Jean-Marc Bouillère s’est éteint brutalement mercredi soir à 65 ans.

Son histoire restera définitivement et intimement liée à sa ville, à son club et à la pratique du canoë-kayak en France. C’est un coup douloureux porté au monde associatif périgourdin et à notre sport. C’était surtout, malgré nos différences fréquentes d’appréciation sur la gestion associative, notre ami.

Investi dans la vie fédérale périgourdine depuis de nombreuses années, son implication sur les manifestations qu’elles soient en Dordogne, en Nouvelle Aquitaine et même au-delà au sein notamment de l’Inter Région Sud-Ouest de CEL étaient toujours précieuses.

C’est, avec lui, une grande partie de la mémoire périgourdine du Canoë-Kayak qui a disparu. Il avait été, tout à la fois, juge national de slalom, juge de course en ligne, gestionnaire de course. Il était connu pour son expertise et sa connaissance fédérale, un référent technique dans beaucoup d’organisations de manifestations sportives, notamment en Course en Ligne. Encore très récemment au Championnat de France de Fond de Libourne ou, le week-end dernier, à la Sélective Inter région Sud de Marathon au Grau-du-Roi. Il contribuait aussi à porter avec ses amis, Nicole et Michel Clanet, le Marathon Dordogne-Périgord entre Saint Julien-de-Lampon et Castelnaud-la-Chapelle depuis des décennies. Il était aussi une des chevilles ouvrières de l’organisation de la Finale Régionale du Challenge Jeunes qui aura lieu, justement, à Rouffiac en Dordogne dans moins de deux semaines.

Sa passion mettait toujours le club et le monde associatif, celui régi par la loi de 1901, comme le maillon essentiel du développement de nos pratiques. Il restait très vigilant à ce que les jeunes s’inspirent de ce mode de fonctionnement altruiste et collectif, avec pugnacité et abnégation.

Son tempérament le plaçait souvent en premier contradicteur dans les fréquents débats qui animaient le quotidien du canoë-kayak, localement mais aussi aquitain puis néo-aquitain. Personnage tout en rondeur et à la barbe mal taillée, il était, en fait, une personnalité très sensible quand on le connaissait bien au-delà du premier contact parfois rugueux et souvent bougon…

Une enfance décrite avec pudeur mais qui n’avait pas dû être facile, une vie professionnelle avec d’importants déplacements notamment en Afrique, une passion depuis sa prime jeunesse partagée avec ses « vieux » copains, Serge, Michel, Pierrick, celle du bateau et celle de nos rivières agitées du Périgord ou des gaves mythiques des Pyrénées. Connu comme un râleur, surtout avec ses amis, il érigeait la provocation en mode de fonctionnement, pouvant être parfois franchement de mauvaise foi mais toujours au service du fonctionnement associatif et de la marche en avant de son club, de la valorisation de nos pratiques, de la déclinaison locale de la politique fédérale, du partage des usages de la rivière avec les autres utilisateurs facilitée par cette connaissance exceptionnelle des règlements et des différentes structures gestionnaires de l’eau. Personnellement, il m’a toujours été, d’un précieux accompagnement, plus tard, tout au long de ma gestion du club.

Longtemps président incontournable et même un temps salarié du club Périgueux Canoë-Kayak, il avait vogué ces dernières saisons sur d’autres rives et délaissé l’Isle pour la rivière Dordogne et Périgueux pourCastelnaud-la-Chapelle… ainsi va la vie avec ses contradictions, ses petites brouilles et ses incompréhensions ! Mais il savait toujours suivre de manière attentive son club de cœur.

Dès l’origine et avec quelques amis, il avait lancé la pratique du canoë-kayak sur l’Isle, d’abord à Trélissac puis à Périgueux. L’Association Loisirs Périgord (ALP) naît en 1985 devient ensuite l’ALP GNP, la structure actuelle.

Le club s’était orienté sous son impulsion vers le slalom pendant plusieurs années, au point de figurer parmi les 50 premiers clubs en France. En 2010, le club de Périgueux se tourne résolument vers deux nouvelles disciplines, la descente de rivière, où Périgueux est propulsé en Nationale 1 entre 2014 et 2017, dans le top 3 des clubs français, alors qu’il était classé à la 200e place sept ans auparavant et la course en ligne, où Périgueux termine en Nationale 3 (65e place).

​L’année de ses 30 ans, le club compte quatre athlètes sélectionnés en Équipe de France. Un mois plus tard, le Sentier Nautique « D’une Rive à l’Autre » est inauguré avec ces rabaskas Vesunna I et II, dont la célèbre tête de proue a été usinée par la Socra, l’entreprise qui a restaurée les statues de Notre Dame de Paris. Ce même été, les athlètes se distinguent aux Championnats du Monde, ramenant titres et médailles.

​Les projets se succèdent ensuite pour dynamiser le club. En avril 2016, l’association membre de la FFCK et Sports de Pagaie adhère également à la Fédération Française de Sport Adapté et coorganise quelques mois plus tard les Championnats de France de Sport Adapté à Périgueux. En collaboration avec la CAMI, le club fait participer onze personnes atteintes d’un cancer à l’édition 2016 du Défi Vogalonga, organisé à Venise. Cette même année, 2016, Manon Hostens est la première athlète du club à représenter la France aux Jeux Olympiques de Rio, où elle termine à la 12e place en K4. Elle avait porté les couleurs de son pays six ans plus tôt aux Jeux Olympiques de la Jeunesse à Singapour, Elle reste la première kayakiste de Dordogne à atteindre ce niveau de compétition.

En 2017, toujours grâce à son réseau de relations et d’entreprises avec Gérard Troubady, son futur successeur, des équipements sportifs modernes et adaptés aux derniers usages sont offerts au club avec la fin des travaux de rénovation du moulin de Sainte-Claire. La base nautique est alors symboliquement renommée « Ado et Mad Tesnière », en hommage aux premiers pratiquants sur l’Auvézère à l’origine du canoë en Périgord. Toujours des histoires de copains et de rencontres.

​En 2018, Périgueux Canoë-Kayak renouvelle l’expérience « Sport Santé® » du Défi Vogalonga. Le club participe activement à l’édition 2018 du Marathon Dordogne-Périgord à Castelnaud avec un des premiers colloques, sous l’égide fédérale, consacré à cette pratique nouvelle qui se déroulera à Montignac-Lascaux. Cette année-là, le club ouvre une section de kayak-polo, mais la vérité est qu’il ne souhaitait pas trop diversifier nos pratiques en raison du souvenir de la gestion compliqué d’une autre discipline nouvelle, le Freestyle quelques années auparavant.

Durant 35 ans, Jean-Marc a été un des pivots incontournables, à Périgueux, du développement de la pratique du canoë sur l’Isle, comme son homologue Philippe Vallaeys l’a été, et l’est encore, trois kilomètres en aval à Marsac-sur-l’Isle. Ce furent entre ces deux présidents emblématiques et ces deux clubs concurrents d’inévitables frictions, dont il était friand, mais c’est bien le sport et la dynamique associative qui y a gagné sur cette terre périgourdine où ce sport nautique est essentiel et porte haut les couleurs du sport sur de très nombreux podiums internationaux, que ce soit ici à Périgueux, à Marsac, à Neuvic, Port-Sainte Foy ou à Castelnaud. La discipline et son essor en Périgord, que ce soit en termes touristique (70 bases, 300 000 pratiquants annuels), de loisirs ou de compétition doivent beaucoup à ces présidents successifs ou concurrents et à leurs fortes personnalités qui ont marqué leurs clubs respectifs.

Repose en paix, Jean-Marc, de nombreuses générations de kayakistes te saluent et te remercient de tes nombreux « sacrifices » que ce soit à titre personnel ou professionnel car tu as consacré toute ta vie à notre discipline. Nous savions pouvoir compter sur ton engagement.

Vogue maintenant du côté du « saut-ruban », de la « goujonnière », du « Pont-d’Arc », tu y rencontreras certainement Ado Tesnière, Lucien Dumain, Emile Durand, François Borde et bien d’autres copains d’antan.

Tous tes amis d’aujourd’hui te regrettent déjà !

Michel CADET
Ancien Président de Périgueux Canoë-Kayak
Médecin Fédéral National de la FFCK et sports de pagaie